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Les femmes francophones en situation minoritaire au Canada
et les technologies d'information et de communication

Rapport préparé par Michèle Ollivier et Ann Denis pour
la Fédération nationale des femmes canadiennes françaises
en collaboration avec Industrie Canada

Cette recherche sur l'utilisation des technologies d'information et de communication (TIC) a été réalisée au printemps 2002 par la Fédération nationale des femmes canadiennes françaises auprès de 50 groupes de femmes francophones travaillant en situation minoritaire au Canada. La recherche, financée par Industrie Canada, poursuivait trois objectifs : premièrement, établir un profil de l'utilisation des TIC chez ces groupes; deuxièmement, évaluer leur connaissance et leur utilisation des programmes d'Industrie Canada; troisièmement, élaborer des recommandations visant à accroître l'utilisation des TIC par les groupes de femmes francophones vivant en situation minoritaire au Canada.

Cette enquête a permis de mettre en lumière l'existence d'une fracture numérique profonde au sein des groupes de femmes oeuvrant situation minoritaire au Canada. D'une part, on retrouve des groupes branchés et relativement bien équipés, qui disposent en général d'un local permanent et d'une ou de plusieurs employées. Ces groupes branchés sont concentrés dans la région Ouest/Nord et sous représentés au Centre et surtout à l'Est. Ils utilisent massivement le courriel, surtout en français, pour leurs communications internes et externes. Ils utilisent le Web pour la recherche d'informations générales et pour la recherche de financement ainsi que pour la diffusion d'information sur le groupe et ses activités. D'autre part, on retrouve une forte proportion de groupes dont les effectifs sont plus faibles, qui n'ont ni local ni employées et qui ne disposent ni d'un ordinateur ni d'un branchement à Internet. Ces groupes sont plus fortement concentrés dans la région de l'Est et, dans une moindre mesure, dans celle du Centre.

Ces résultats suggèrent que les stratégies des organismes subventionnaires devraient varier selon le type de groupe auquel on s'adresse. Pour les groupes qui ne sont pas branchés et qui ne sont pas intéressés à l'être, il faudrait d'abord commencer par de sérieux efforts de sensibilisation aux bénéfices potentiels de la technologie. Pour les groupes qui sont déjà branchés ou qui sont intéressés à l'être, les stratégies devraient porter sur la diffusion ciblée d'informations au sujet des sources de financement et sur le développement d'outils informatiques et de contenus qui correspondent à leur double réalité de femmes et de francophones vivant en situation minoritaire au Canada.

Ce sommaire présente un profil des groupes participants, les points saillants de l'enquête et les recommandations qui en découlent.

1. Profil des groupes participants

Parmi les groupes qui ont répondu au questionnaire, 38 % proviennent de la région de l'Est du Canada, 30 % proviennent du Centre et 32 % de la région de l'Ouest et du Nord. La très grande majorité des groupes interrogés (80 %) disent travailler en situation francophone minoritaire; 46 % travaillent à la fois en région rurale et urbaine tandis que 30 % travaillent uniquement en milieu urbain et 24 % seulement en milieu rural.

La taille des groupes varie considérablement. Le nombre de membres varie de 3 à 1 500, avec une médiane de 25 membres. La majorité des groupes (64 %) ont moins de 50 membres et 22 % en ont plus de 200. La majorité des groupes interrogés (58,3 %) n'ont aucune employée et 20,8 % n'en ont qu'une seule. Un groupe se distingue des autres avec plus de 20 employées et le reste (9 groupes) se distribue entre 2 et 9 employées. Le nombre de bénévoles varie aussi considérablement d'un groupe à l'autre, allant de 2 à 212 avec une médiane de 20 bénévoles.

2. Points saillants de l'enquête

Accès à l'ordinateur et à Internet

  • Moins de la moitié des groupes interrogés (46 %) possèdent un ordinateur, avec une moyenne de 1,84 ordinateur par groupe. Cette moyenne est de 1,1 si on ne tient compte que des ordinateurs récents qui ont moins de trois ans.
  • Un peu plus de la moitié (52 %) des groupes ont accès à Internet, parfois par l'entremise de l'accès individuel de certaines de leurs membres.
  • Quatre groupes sur dix (42,9 %) estiment qu'environ la moitié de leurs membres n'ont pas accès à Internet.
  • La majorité des répondantes ayant accès à Internet (76,9 %) disposent d'une adresse pour leur groupe tandis qu'une majorité moins forte (60 %) disposent également d'adresses courriel individuelles pour chaque membre de leur personnel.
  • Le facteur les plus souvent mentionné par les répondantes pour expliquer pourquoi leur groupe n'a pas accès à Internet est l'absence d'un bureau ou, plus rarement, le manque d'espace. Les autres facteurs souvent mentionnés sont le manque de financement, l'absence d'équipement adéquat, le fait de ne pas avoir d'employées et le fait d'être trop petits.
  • Parmi les 21 groupes qui n'ont pas accès à Internet, un peu plus de la moitié (57,1 %) disent souhaiter y avoir accès tandis que 42,9 % ne sont pas intéressées, généralement en raison de l'absence de bureau ou d'équipement.

Variations de l'accès selon la région, la taille du groupe et la région urbaine/rurale

  • L'accès à un ordinateur varie considérablement selon les régions : 81,5 % des groupes de la région Ouest/Nord possèdent un ordinateur à comparer à 33,3 % dans la région du centre et à seulement 26,3 % dans celle de l'Est.
  • L'accès à l'ordinateur varie peu selon que le groupe desserve une région urbaine ou rurale, mais il varie selon la taille du groupe : 72,2 % des groupes ayant plus de 50 membres possèdent un ordinateur à comparer à seulement 31,3 % des groupes comptant 50 membres ou moins.
  • L'accès à Internet varie également selon les régions. Dans la région de l'Ouest et du Nord, 87,5 % des groupes ont accès à Internet en tant que groupe à comparer à 36,8 % dans l'Est et à 33,3 % dans la région du Centre.
  • L'accès à Internet varie également selon la taille du groupe : 77,8 % des groupes comptant plus de 50 membres ont accès à Internet à comparer à 37,5 % des groupes ayant 50 membres ou moins.

Les usages, les contenus et la langue de communication

  • Parmi les activités en ligne régulièrement pratiquées par les groupes branchés, le courriel arrive en tête (100 % des groupes l'utilisent régulièrement) suivi par la recherche d'information sur le Web (88 %), la recherche de financement (68 %) ainsi que la diffusion d'information sur le groupe et ses activités (61,5 %).
  • Parmi les services qui ne sont utilisés régulièrement que par une minorité de groupes, on retrouve la participation à des groupes de discussion (19,2 %), les conférences informatisées (4 %) et le commerce électronique (4 %).
  • Parmi les groupes qui utilisent Internet, la vaste majorité (96,2 %) disent utiliser le plus souvent le français comme langue de communication tandis qu'aucun n'utilise plus souvent l'anglais et que seulement un groupe utilise les deux langues également.
  • Les femmes interrogées sont généralement satisfaites de la qualité de l'information qu'elles trouvent sur les sites Web en français, puisque 61,9 % se disent presque toujours satisfaites. Elles sont par contre moins satisfaites de la quantité d'information, puisque 47,6 % seulement se disent presque toujours satisfaites à cet égard.
  • Les principales sources d'insatisfaction quant au contenu sont, premièrement, l'insuffisance (absolue ou relative à comparer à ce qui existe en anglais) de contenu francophone et, deuxièmement, l'origine québécoise ou française des contenus francophones qui ne correspondent pas aux besoins précis des groupes.
  • Parmi les informations que les répondantes aimeraient trouver en français sur le Web, les répondantes ont mentionné des renseignements sur les programmes dans leurs communautés ainsi que sur les programmes gouvernementaux des provinces et des territoires. L'information recherchée touche par exemple les domaines de la santé, de l'éducation/formation, de la violence et de l'intégration des femmes immigrantes francophones, les sources de financement ou encore la clientèle qu'elles desservent.
  • Certaines répondantes ont également mentionné l'intérêt de faciliter le réseautage, par exemple par des groupes de discussion, l'échange d'information sur les activités des groupes et la diffusion de profils de femmes qui pourraient agir comme des personnes-ressources.

Obstacles à l'intégration des TIC aux activités des groupes

  • Parmi les obstacles à l'intégration des TIC à leurs activités, les réponses les plus souvent retenues sont, par ordre d'importance : les coûts liés à la mise à jour des ordinateurs et des logiciels (91,3 %), le manque d'expérience et de formation (87 %), les contraintes budgétaires imposées par des sources de financement extérieures (76,1 %), le coût de l'équipement nécessaire au branchement (69,6 %) et les frais mensuels pour un fournisseur d'accès à Internet (69,6 %).
  • L'importance accordée aux différents facteurs varie selon que le groupe soit branché ou non à Internet. À comparer aux groupes branchés, ceux qui ne le sont pas accordent en général une plus grande importance aux facteurs économiques, tels que le coût de l'équipement et les frais de branchement mensuels, ainsi qu'aux facteurs que l'on pourrait appeler socioculturels, notamment le fait que l'adoption soit difficile pour le personnel, les membres et les bénévoles, l'absence d'utilité pour le groupe et le manque de sensibilisation. Les groupes branchés, par contre, accordent une plus grande importance aux facteurs liés à la technologie et au contenu d'Internet, par exemple le manque de contenu en français, les difficultés techniques liées à la transmission des accents en français, le trop grand volume d'information et la qualité de l'information qui n'est pas toujours pertinente.
  • Connaissance des programmes et services d'Industrie Canada
  • Volnet est le programme le plus connu, le plus utilisé, et à la fois le plus et le moins apprécié par les groupes de femmes interrogés. Le programme d'Accès communautaire est également assez bien connu et utilisé, et il reçoit des évaluations moyennes. Les autres programmes, même s'ils sont assez largement connus dans certains cas, sont rarement utilisés par les groupes de femmes en situation francophone minoritaire comme source de subvention.

Besoins des groupes pour faciliter l'intégration des TIC à leurs activités

  • Les principaux besoins identifiés par les femmes pour mieux intégrer les technologies d'information et de communication à leurs activités sont de trois ordres. Il existe premièrement un grand besoin financier, deuxièmement un important besoin pour de l'information et de la formation et troisièmement un besoin pour des contenus en français adaptés aux besoins des groupes.

3. Recommandations

De façon générale, les programmes et services destinés aux groupes de femmes francophones en situation minoritaire doivent être adaptés à leur double réalité de femmes et de francophones vivant en situation minoritaire.

Le financement :

  • Les stratégies et les programmes des organismes subventionnaires doivent tenir compte des besoins différents exprimés par les groupes qui sont branchés à comparer à ceux qui ne le sont pas. Parmi ces derniers, il faut tenir compte des besoins différents des groupes qui sont intéressés à être branchés et de ceux qui n'en perçoivent pas l'intérêt.
  • Les programmes destinés à faciliter l'adoption et l'utilisation d'Internet par les groupes doivent nécessairement comporter un volet financement pour l'achat de l'équipement informatique et des logiciels.
  • Les programmes devraient prévoir un appui continu pour la mise à jour de l'équipement et des logiciels de même que pour les frais réguliers de branchement à Internet.
  • Le financement devrait également servir à offrir des programmes de formation et de sensibilisation permettant aux groupes de former leur personnel et leur CA et de suivre le développement rapide de la technologie.
  • Pour réduire la fracture numérique entre les groupes branchés et ceux qui ne le sont pas, il est essentiel d'élaborer des stratégies permettant aux groupes non branchés qui ne disposent ni d'un local ni d'employées de se familiariser avec les avantages des TIC pour leur organisation et d'y avoir un accès minimal, par exemple en leur offrant accès à un ordinateur et à une adresse électronique par l'entremise de groupes mieux équipés de leur région ou des Centres Accès Internet.

L'information, la formation et la sensibilisation

  • L'information au sujet des programmes et services doit être élaborée en fonction des besoins spécifiques des groupes, être écrite en langage clair, diffusée régulièrement et sous plusieurs formes et identifier clairement leurs objectifs et leurs groupes cibles.
  • L'identification de personnes-ressources et d'intermédiaires qualifiées pouvant servir de courroies de transmission entre les organismes subventionnaires et les groupes cibles dans les différentes régions devrait constituer une priorité.
  • Des programmes de sensibilisation destinés aux groupes non branchés et qui ne voient pas l'intérêt de l'être devraient constituer une autre priorité. Ces programmes de sensibilisation doivent être axés sur les besoins spécifiques des groupes, démystifier la technologie et faire valoir les avantages de l'utilisation des TIC pour leur organisation.
  • Les programmes de formation doivent être financièrement accessibles pour toutes les femmes, y compris celles qui sont les plus démunies.

Les contenus francophones

  • Si on veut permettre aux groupes de mieux intégrer les TIC à leurs activités, il est impératif de favoriser le développement, par les intéressées elles-mêmes, des outils informatiques et des contenus qui correspondent à leur double réalité de femmes et de francophones vivant en situation minoritaire au Canada. Les besoins sont particulièrement importants en ce qui concerne l'information en français sur les communautés locales de même que sur les programmes gouvernementaux des provinces et des territoires.

Les services directs

  • Devant l'intérêt manifesté par les femmes pour les activités de réseautage, il est important de favoriser le développement des lieux électroniques de rencontre et d'échange d'informations, par exemple des groupes de discussion électroniques ou encore des pages Web reflétant les besoins des groupes et reliant entre eux les groupes apparentés.



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